Maison Sésame, maison pour tous
Ouverte aux migrants majeurs et en précarité d’hébergement, la maison Sésame du Secours Catholique du Rhône cherche à renforcer ses actions et poursuivre son évolution pour être au plus près de ces personnes et accueillir de nouveaux bénévoles. Réflexions et mutations sont au cœur de l’année 2021 pour cette structure, qui plus que jamais, se veut humaniste et solidaire.
Il existe des endroits chargés d’histoires. La maison Sésame est un de ces lieux qui recueille le vécu de ces femmes et de ces hommes qui ont dû fuir leur pays et qu’on appelle migrants…. Ouverte aux personnes isolées, majeures et en précarité d’hébergement, elle se veut être un véritable lieu d’accueil et d’accompagnement, notamment dans l’accès aux droits.
Cet accompagnement, assuré par des bénévoles en lien avec des avocats et juristes, apporte un véritable soutien aux demandeurs d’asile.
Mais il fallait aussi un lieu dans lequel les exilés se sentent écoutés et épaulés ! Un endroit où ils aient envie de revenir, parce que d'autres leur ont donné confiance, parce que quelqu’un les a aidés à mieux comprendre ce qu’ils connaissent mal et auprès desquels ils peuvent avoir des a priori…
L’équipe de bénévoles a donc décidé de se recentrer, de réfléchir aux différentes actions à mener afin de répondre plus justement aux attentes des migrants.
Zarah, en contrat d’apprentissage pour deux ans dans le cadre de son master en gestion de projets humanitaires, participe à la réflexion et accompagne la mise en œuvre de ce projet : « L’idée aujourd’hui, est vraiment de développer les actions collectives et de faire de la maison Sésame, un véritable tiers lieu. » Depuis le mois de janvier, de nombreuses actions collectives se (re)mettent en place comme l’accueil convivial des mardis et jeudis matin. Des ateliers leur sont proposés sur des sujets différents : l’apprentissage du français, l’informatique, la réparation et le prêt de vélo…
« On a même un coiffeur présent tous les jeudis matin pour tous ceux qui le souhaitent », poursuit John, salarié-référent de la maison Sésame. « Auparavant, des sorties dans Lyon étaient également proposées, à pieds ou à vélo. Ça permettait de créer du lien et de découvrir la ville. Il faut du temps mais les choses sont en train de reprendre» .
Guinée, République démocratique du Congo, Nigéria… les provenances sont diverses. La grosse majorité des personnes qui viennent à la maison Sésame est masculine. Se pose alors la question du bon accueil des femmes. « Comment faire en sorte qu’elles se sentent à l’aise, qu’elles aient envie de revenir ? » s’interroge Zarah. « Un groupe de paroles destiné aux femmes avait été mis en place, mais ça n’a pas pris, explique-t-elle. Maintenant, à nous de comprendre pourquoi et de réfléchir à d’autres formes d’actions, comme s’unir à des associations réservées aux femmes, qui ont déjà mis des choses en place. Je pense notamment à l’association Au Tambour, dans le 6e arrondissement de Lyon. »
« En interne, on appelle ça des visites inspirantes, poursuit John ; aller voir ce qui se passe ailleurs et comment ça marche. Aujourd’hui, nous avons un support destiné aux femmes : l’atelier couture et les possibilités sont nombreuses ».
L’échange inter-associatif est un élément très important pour la vie de la maison Sésame et son projet de déménagement. En partenariat avec JRS (Service jésuites des réfugiés) depuis de nombreuses années, la question d’actions ou d’animations communes commence à se réactiver. « Nous sommes aussi en lien avec d’autres structures, comme Forum Réfugiés, chez qui nous sommes identifiés comme lieu d’accueil et d’accompagnement, mais également dans le guide Watizat, qui permet aux migrants de s’orienter correctement dans la métropole. On est assez connus sur la place même si on a un travail continuel à faire pour parler de nous et de nos actions ».
La collaboration passe aussi par la réorientation. Car si la structure n’accueille que des personnes majeures isolées, elle lui arrive parfois de recevoir des personnes avec enfants, à la recherche d’une information. « Dans ces cas-là, on sait exactement où les réorienter. C’est aussi ça notre travail, leur expliquer qu’en fonction de leur situation, il existe tel ou tel organisme ».
A ce jour, John et Zarah sont entourés d’une vingtaine de bénévoles, « véritables garants de la continuité des activités » et d’une juriste, spécialisée dans le droit des étrangers. Indispensable ressource technique, sa veille permet également de rester au fait des actualités et décisions liées aux politiques migratoires. «Elle nous permet de réajuster l’accès aux droits et nous aide à rester dans notre périmètre d’actions ».
Effet confinement ou réveil des consciences, « depuis le mois d’octobre, une vingtaine de jeunes ont décidé de s’engager à nos côtés » s’enthousiasme John. « Alors bien sûr, ça ne permet pas encore d’ouvrir tous les jours, mais ça nous a permis de relancer des activités comme les Jeudis libres (accueil du jeudi après-midi centré sur le convivial, le collectif et le créatif) , de renforcer l’équipe du FLE (français langue étrangère), ou encore de relancer l’atelier informatique ».
L’échange est primordial avec ces nouvelles recrues ; « on leur dit, voilà ce qu’on fait, voilà ce qui a été fait, maintenant, soumettez-nous vos idées ! Et ils ont des tas de belles idées, comme le yoga, la photo, la rando. Et même si tout ne peut pas encore être creusé du fait du contexte actuel, il faut garder en tête ces idées nouvelles et tout ce qu’on pourra de nouveau bientôt faire ».
Une autre réflexion importante à mettre en place entre nous, c’est de bien faire comprendre que s’il y a de la place pour les bénévoles, les personnes accompagnées sont elles aussi parties prenantes de la vie de la maison. Comme tout un chacun, elles ont envie de se sentir utiles et de donner un coup de main : arroser les plantes le matin, faire la conversation en français avec les bénévoles, animer un atelier coiffure… L’enjeu est maintenant d’aller encore plus loin en impliquant davantage les personnes ».
D’ici quelques mois, la Maison Sésame devrait déménager. Toute l’équipe, aidée des personnes migrantes, travaille sur ce projet. La prospection de nouveaux lieux a déjà commencé et le cahier des charges promet un accueil des plus complets. L’équipe souhaiterait y voir une cuisine afin de mettre en place un atelier dédié aux échanges autour de la gastronomie : « en cuisinant, on aborde les cultures, donc l’interculturel mais la question des codes également. Tout ça favorise l’intégration dans la société ». Un espace de stockage de vélos plus grand que l’actuel est également à l’étude. Mais plus que tout, ce déménagement devrait permettre à la Maison Sésame de s’ouvrir à d’autres activités, notamment avec des personnes du futur quartier, en co-construisant ce projet avec les acteurs environnants. « En devenant un véritable tiers lieu, explique Zarah, grâce au développement de nouvelles activités, comme l’art, les murs d’expression et la parole donnée aux femmes… ». Laisser de la place à tout le monde et être attentif aux talents de tous ; une véritable scène ouverte, déjà bien introduite à en voir la fresque murale et le mur végétal qui habillent une partie du local.