Cuisinons ensemble à la Maison Sésame
La Maison Sésame, installée depuis septembre dans le quartier Grandclément à Villeurbanne, accueille les personnes en situation d'exil mais aussi des associations partenaires ou des habitants du quartier désireux d’œuvrer pour un monde plus fraternel. Au sein de ce tiers-lieu, qualifié aussi de lieu-ressources par John, son animateur, les rencontres conviviales sont favorisées et d’une façon générale toute initiative propice aux échanges, aux apports croisés, à la valorisation des talents de chacun. Les ateliers Cuisinons Ensemble, déjà présents à Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Lyon 8ème et Vénissieux, s’inscrivent pleinement dans cet esprit. Aussi, date a-t-elle été prise en ce 2 mars pour en organiser la première édition.
Dès 10 heures, plus d’une vingtaine de personnes se pressent dans la grande salle, accueillies par Teuta, bénévole à la Maison Sésame, Violaine, animatrice-chargée de mission pour « un accès digne à une alimentation durable de qualité pour toutes et tous », et Tanguy, animateur du Territoire du Levant.
Certains participants se retrouvent, d’autres viennent pour la première fois. Les conversations s’installent autour d’un café-croissant. On parle un peu de soi et déjà un peu cuisine. Spontanément Josué traduit si besoin les propos en anglais.
Chacun s’étant présenté, Violaine explique le déroulement et les enjeux des ateliers Cuisinons ensemble. « Pendant les ateliers, nous allons partager, cuisiner et déguster tous ensemble des recettes faites maison, saines et simples, réalisées à partir d’ingrédients de saison. Cela nous permettra de nous connaître et d’échanger sur toutes les questions en lien avec notre alimentation : nos habitudes, la qualité des produits, les circuits, les achats malins, les impacts écologiques, les habitudes sociales autour de la table … Le sujet est vaste. On se retrouvera toutes les 3 semaines, mais vous verrez qu’on ne s’arrêtera pas là et que nous pourrons imaginer d’autres actions en fonction de l’intérêt de certains thèmes. »
En temps normal, deux chefs de cuisine sont nommés à tour de rôle par le groupe avant l’atelier, l’un pour le salé, l’autre pour le sucré. Leur mission : proposer les plats, faire les courses et coordonner les préparations le jour J. Pour ce premier atelier, on s’adapte. Violaine et Tanguy sont arrivés avec les ingrédients. Armé de tabliers, le groupe découvre et nomme un à un les produits : panais, potimarron, poireaux, cheveux d’ange, épices, pommes, kiwis, pamplemousse, chocolat … Tout est là pour un déjeuner équilibré.
Les plats sont imaginés par demi-groupe. Côté salé, avec Modou comme chef de cuisine, ce sera omelette et riz aux légumes. Côté sucré, Irina, qui propose un gâteau aux pommes issu de la cuisine familiale russe et une salade de fruits, est immédiatement élue cheffe de cuisine.
Chacun met la main à la pâte. Un moment suspendu, joyeux, confiant dans le résultat.
On parle recettes, ustensiles, mais aussi tri, agriculture biologique - manger la peau des fruits, par exemple, est impossible dans certains pays compte tenu du nombre de pesticides – ou santé : « attention au sucre et au gras ».
Les plats au four et le couvert dressé, un temps est pris pour expliquer combien « la table » est importante en France, avec ses deux repas assis par jour et ses codes comme attendre que tous soient servis pour commencer. Capter des informations pratiques, utiles à la vie de tous les jours, c’est aussi cela « Cuisinons ensemble ».
Place à la dégustation. La tablée est belle et joyeuse, les assiettes bien remplies et le déjeuner, manifestement très apprécié.
Au café, Violaine et Tanguy organisent un dernier temps d’échange. A la question, « qu’est-ce que bien manger pour vous ? » les réponses fusent. Sont évoqués pêle-mêle les plats préférés, les souvenirs d’enfance, la qualité des ingrédients, la joie de se mettre de temps en temps « les pieds sous la table ». A la question, « qu’est-ce qui vous étonne le plus en France ? », le fromage fort fait la quasi-unanimité, suivi par les différentes cuissons pour la viande, les poissons fumés ou encore l’utilisation des couverts. La dernière question tourne autour des achats. Tous les moyens d’approvisionnement sont évoqués, du supermarché aux magasins spécialisés, en passant par le discount, les marchés ou la banque alimentaire. Violaine rappelle l’existence des chèques services, qui peuvent être distribués par le Secours Catholique ou d’autres organismes, acceptés par certaines enseignes.
Chacun parle de ses habitudes, donne ses adresses, ses conseils pour acheter malin - faire les fins de marchés par exemple. L’occasion de reprendre conscience de l’importance de l’alimentation dans nos vies, d’en mesurer les impacts individuels et collectifs, de se dire que choisir son alimentation, ne pas se laisser dicter ses choix, est possible.
Pour Hélène, bénévole à Sésame, « l’atelier a été une bouffée d’oxygène », ce que confirme Moldir, kazakhstanaise en France depuis 4 ans : « ce premier atelier est une réussite. J’ai pu parler français. C’est important pour moi parce qu’à mon arrivée, je suis restée à la maison pour mes enfants et après, il y a eu le covid. Maintenant, je sors. Aujourd’hui, j’ai découvert de nouveaux légumes et appris à mieux nommer les plats et ustensiles. C’est très utile. »
Josué retiendra la joie de faire ensemble. « J’ai bien aimé qu’on fasse en même temps les recettes sucrées et salées. C’est nouveau pour moi. J’ai appris beaucoup de choses et de nouveaux mots. Je referai sûrement le gâteau aux pommes d’Irina ».