Notre « État de la pauvreté en France 2023 »
Le Secours Catholique a publié mardi 14 novembre son rapport statistique annuel "État de la pauvreté en France 2023". Constats et analyses sur la précarité issus de l’observation sur l'ensemble du territoire national de plus de 49 000 situations (sur les 1 027 500 personnes accueillies par l'association en 2022). Cette année, l'association pointe une aggravation de la pauvreté, les premières victimes en étant les femmes, et surtout les femmes avec enfants.
Oui, la pauvreté s’aggrave en France. Et elle touche en premier les femmes. C’est en substance ce que montre le rapport «
éditorial
« NOTRE SOCIÉTÉ A DE LA CHANCE DE POUVOIR S'APPUyER SUR DES FEMMES QUI, MALGRÉ L'ADVERSITÉ, SE BATTENT. »
Par Véronique Devise, présidente du Secours Catholique - Caritas France et Adelaïde Bertrand, déléguée générale.
« L’ état de santé d’une société se mesure au sort qu’elle réserve aux plus pauvres de ses membres. Mais peut-être la situation des femmes qui vivent dans la pauvreté est-elle plus révélatrice encore : voilà ce que suggère notre «
Nos chiffres sont révélateurs d’une inégalité entre hommes et femmes qui ne faiblit pas. Si les femmes sont devenues majoritaires à pousser la porte de notre association (57,5% en 2022, contre 51% en 1989), ce n’est pas un hasard : elles sont plus exposées à la pauvreté. Celles qui travaillent sont moins bien payées, plus souvent à temps partiel subi, et leurs carrières hachées se traduisent par de faibles retraites. D’autres voudraient bien travailler, mais leur situation administrative les en empêche. Si les femmes font davantage appel au Secours Catholique, c’est aussi parce que, neuf fois sur dix, ce sont elles qui assument la charge des enfants quand les couples se séparent. Elles encore qui portent majoritairement la charge mentale de tous les jours, des courses, des conduites, des repas, des papiers, des soins... le tout avec un budget impossible à boucler, qui transforme le quotidien en source d’angoisse permanente. « Ça prend de l’énergie de toujours aider les autres, tout le temps », rapporte une femme de Sauzé-Vaussais (79). Contre toute évidence, 62% des femmes que nous rencontrons sont considérées comme « inactives » si l’on s’en tient aux catégories statistiques.
Le problème, c’est que la dichotomie actifs/inactifs structure les représentations, mais aussi les politiques publiques. Aux premiers, on devrait la reconnaissance, la rémunération décente, la protection. Aux seconds d’âge actif, l’obligation de se justifier en permanence. C’est ainsi que des femmes aux vies brisées par la maladie, l’exil ou les violences, des femmes nuit et jour au chevet d’enfants, d’anciens, de personnes en situation de handicap, ou encore surinvesties dans le quartier ou les associations, sont maintenues dans l’extrême pauvreté. C’est le cas de 81% des femmes « inactives » rencontrées. Outre que tout miser sur l’emploi est illusoire pour vaincre la pauvreté, cela amène notre société à maltraiter celles qui, hors de l’emploi, prennent soin des liens vitaux, des liens sociaux. Avec l’inflation, la pauvreté frappe plus durement encore. Et si, face à cette épreuve qui nous concerne tous, nous décidions collectivement de nous tenir aux côtés des personnes en galère, et avec elles, de tourner enfin le dos à la pauvreté ?
entretien avec Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste : « Il faut déféminiser le soin »
notre enquête de terrain
les femmes premières victimes de la pauvreté
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