Inclusion numérique : un atelier pour favoriser l'autonomie
Depuis 2019, le Secours Catholique du Rhône favorise l’inclusion numérique des personnes. Un accompagnement d’autant plus essentiel qu’en trois ans la crise Covid a largement accéléré le "tout digital". Parmi les actions engagées, l’atelier numérique de l'équipe de Caluire-et-Cuire accueille un public varié, de plus en plus nombreux.
Un tiers de la population rencontre des difficultés d'accès aux outils numériques alors même que la France a enclenché il y a quelques années un vaste plan de dématérialisation des démarches administratives effectif en cette année 2022. Pour assurer le succès de cette réforme et faire face à ce qu’il nomme l’illectronisme, le Gouvernement a lancé des actions dont le financement et la formation de quatre mille conseillers numériques.
Conscients des enjeux d’une telle évolution, de nombreux acteurs apportent aussi leur pierre à l’édifice. Le Secours Catholique agit à deux niveaux : au niveau politique, en sensibilisant le Gouvernement sur les difficultés, voire l’impossibilité des plus précaires à suivre le mouvement, et sur le terrain, par la mise à disposition de matériels et par l’organisation d’ateliers d’accompagnement personnalisé.
L’équipe du Secours Catholique de Caluire, située dans le quartier populaire des Rivettes, outre les permanences d’accueil, l'apprentissage du français, l'accompagnement scolaire,s’est enrichie depuis septembre 2021 d’un atelier numérique. Il a été volontairement organisé le samedi matin afin que le plus grand nombre puisse s’y rendre.
Émie, conseillère numérique attachée tout à la fois à ATD Quart Monde et au Secours Catholique, Azaréel et Christophe, bénévoles, et Chloé, étudiante encouragée par son université à s’investir dans un projet associatif, prennent en charge des demandes de tous ordres et parfois cruciales comme celle d’Efé venue renseigner son dossier d’aide au logement. Concentrée sur son téléphone, ses deux enfants dessinant sagement à proximité, elle est aidée par Azaréel : remplissage du formulaire, transmission des pièces demandées... Elle apprend en faisant.
« J’ai besoin qu’on m’assiste mais je dois aussi être à même de faire les choses seule, explique Efé. Aujourd’hui, je suis arrivée à me connecter, à renseigner les informations, à photographier les pièces demandées et à les transmettre. Mon téléphone est le seul outil informatique dont je dispose. Il faut que j’arrive à faire le plus de choses possibles avec, même s’il est un peu vieux. Ce qu’il y a de bien ici, c’est qu’on m’aide aussi à comprendre ce que veut l’Administration, à ne rien oublier, à bien valider mon dossier … ça fait plusieurs fois que je viens et je reviendrai si nécessaire. »
Comme Efé, les personnes du quartier se rendent à l’atelier pour des formalités administratives, comme auprès de la Caisse des allocations familiales par exemple, mais aussi pour leurs démarches du quotidien : téléchargements de leurs bulletins de paie, du pass vaccinal, aide à la recherche d’emploi, rédaction des courriers, de leur curriculum vitae, prises de rendez-vous, des billets de train ... Les demandes sont variées.
D’autres viennent utiliser le matériel qui leur fait défaut, imprimer, scanner ou découvrir Internet, s’essayer à des logiciels libres, mettre en page, télécharger, tester des fonctionnalités, à l’exemple de ces deux adolescents auxquels Emie apprend à se servir d’un logiciel graphique, à créer un dossier et le classer … Avec l’intuitivité numérique de leur âge, ils comprennent et avancent vite, heureux de surfer quelques heures.
Et l’entraide est de mise bien sûr entre les participants. « Depuis quelques temps, relatent Azaréel et Chloé, trois personnes viennent se former à la bureautique. Nous savons qu’elles s’exercent ensemble entre deux ateliers. C’est motivant ! »
L’inclusion numérique passe donc tout à la fois par la mise à disposition de compétences et de matériel. « Nous avons ici trois ordinateurs portables, une imprimante-scan-photocopieuse et une tablette. Nous sommes assez bien équipés et c’est nécessaire », indique Christophe plus spécialement en charge des questions logistiques au sein de l’équipe. « Mais nous devons aussi réfléchir au moyen d’équiper directement les personnes. La plupart ont des téléphones ou des ordinateurs obsolètes qui ne supportent plus les nouvelles versions. Comment suivre le mouvement dans ces conditions, ne pas être « déconnectés » au sens propre et figuré ? Il faut aussi que nous restions à même d’aider les personnes. Même si nous répondons plutôt à des demandes de premier niveau, certaines nécessitent de bonnes connaissances, y compris techniques. La nature des besoins et des demandes évolue ».
Sur ce point, Émie précise que tous les membres de l’équipe sont aptes à accompagner mais que chacun a un peu son domaine : connaissance plus approfondie du web et des logiciels, compétences techniques, notions juridiques pour aider les personnes dans leurs démarches … Ainsi transversalité rime-t-elle avec complémentarité.
Autre point d’attention après ces quelques mois de fonctionnement : attirer un public de plus en plus nombreux. « Même si nous tenons à un accompagnement individualisé, nous pouvons encore grossir les rangs », annonce Émie. « Pour faire connaitre l’atelier, nous comptons beaucoup sur le bouche-à-oreille », précise Azaréel. « Nous sensibilisons à nos actions tous ceux qui fréquentent l’équipe locale, bénévoles ou personnes rencontrées par le Secours Catholique, et distribuons des flyers ». Une vidéo de présentation de l’atelier pourrait même voir le jour prochainement, à l’initiative de Chloé.
Gageons que l’atelier de Caluire inspirera efficacement d’autres initiatives en faveur de l’autonomie numérique. Il en va d’un monde plus juste au sein duquel chacun peut exercer ses droits.
Un pari sur l’avenir… Celui des plus fragiles et à travers eux, de nos sociétés.
