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Au Brésil, le retour à la terre pour vivre mieux

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Au Brésil, le Mouvement des sans-terre agit pour que l’État applique la réforme agraire. Le but : obtenir une meilleure répartition des terres pour permettre à des familles pauvres de mieux vivre grâce à l’agriculture. Reportage dans le nord-est du pays.

C’est l’une des premières maisons qui bordent la rue principale de la communauté Antonio Nasimento, à quelques kilomètres de Recife, dans le nord-est du Brésil. Quatre murs de planches fixés sur une dalle en béton. De l’extérieur, l’habitat de 30 m² paraît misérable. Mais l’intérieur est coquet. Des plantes vertes égaient le séjour, deux canapés en cuir rouge encadrent un écran de télévision et un grand métrage de tissu assorti habille la cloison en bois.

Leonido et Zelia Da Silva vivent depuis trois ans avec leurs quatre enfants dans ce village encore informel créé par le Mouvement des sans-terre (MST), partenaire du Secours Catholique. Leonido a bâti lui-même leur maison. « Au début, il n’y avait rien, que des mauvaises herbes. Pendant treize jours, je suis venu tous les soirs avec notre aîné », raconte ce maçon de 42 ans.

Treize jours, c’est le délai maximum fixé par MST aux ménages, lorsqu’un terrain leur est alloué, pour y construire un habitat. Ils doivent y loger. « Sinon, on leur retire la parcelle, précise Leonido. C’est pour éviter que certains se comportent en dilettantes alors que d’autres en ont réellement besoin. »

Constitution brésilienne

350 familles, soit environ 2 000 personnes, vivent aujourd’hui à Antonio Nasimento. Depuis avril 2016, elles attendent que les autorités reconnaissent la légalité de leur communauté afin d’être assurées de sa pérennité. Dans l’État de Pernambuc, dont Recife est le chef-lieu, 16 000 familles, réparties dans 163 “campements” MST, se trouvent dans cette situation.

La reconnaissance par les autorités intervient souvent après plusieurs années d’occupation. La Constitution brésilienne de 1988 prévoit en effet la possibilité pour l’État de confisquer des terres à leurs propriétaires lorsque ceux-ci ne les exploitent pas. C’est donc sur le droit que s’appuient les Sans-terre pour mener leur combat.

 

En ville, nous n’avons pas les moyens d’acheter un terrain. Et vu mon métier, je n’arrive pas à obtenir un prêt. 

Leonido

« Nous obligeons l’État à utiliser son pouvoir », explique Jaine Amori, l’un des responsables du mouvement. Première étape : repérer des terrains agricoles non cultivés. Deuxième étape : faire constater l’absence d’usage par l’Institut national de colonisation et réforme agraire (Incra). Troisième étape : prendre possession de ces terrains afin d’obtenir du gouvernement l’expropriation et leur répartition entre les familles.

Leonido et Zelia préfèrent être certains de pouvoir rester avant de rebâtir leur maison avec des briques. Ils espèrent ne pas avoir à retourner vivre dans les 15 m² de leur habitat précédent à Boa Viagem, un quartier de Recife. «  En ville, nous n’avons pas les moyens d’acheter un terrain, explique Leonido. Et vu mon métier, je n’arrive pas à obtenir un prêt. »

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Au profil type du paysan sans terre des années 1970 a succédé dans les rangs du MST celui du travailleur pauvre, ou du chômeur, qui survit dans la périphérie des villes. « Ce sont des petits artisans ou des ouvriers intérimaires qui se sont retrouvés exclus du processus économique dans les années 1990, décrit Jaine Amori. Pour eux, l’agriculture a commencé à être une alternative économique mais aussi un style de vie. »

Roseane Fidealis, 51 ans, et Manuel Salvino, 62 ans, sont soulagés d’avoir quitté la promiscuité du quartier d’Ibura à Recife. Ils y vivaient, disent-ils, coincés entre deux bretelles d’autoroute, entre la violence des trafiquants de drogue et celle des policiers.

« Ici, je me sens en sécurité, c’est tranquille, confie Manuel. Et puis l’avantage, c’est qu’on peut planter, cultiver et consommer ce que l’on a produit. » Le principe du MST est de permettre aux familles de vivre selon le modèle de l’agriculture familiale.

À Recife, Roseane était femme de ménage et Manuel ouvrier dans un élevage porcin, tout en arrondissant ses fins de mois en ramassant des canettes pour les apporter au recyclage. Aujourd’hui, ils ont 2 000 m² de terre sur lesquels ils cultivent des pommes de terre, des ignames, des papayes et des haricots.

Leur neveu de 23 ans, Wallison, les a rejoints il y a un mois. Une mise au vert nécessaire, précise-t-il, pour « arrêter de fréquenter de mauvaises personnes ». Tous les jours, il se rend à Recife, à 40 minutes par le bus, pour vendre du pop-corn dans la rue. Mais il aimerait s’impliquer dans la communauté.

Vivre à 100 % de l’agriculture

Leonido, lui aussi, continue de travailler en ville. Les patates, bananes, maïs, acérolas et la coriandre qu’il cultive servent pour l’instant uniquement à nourrir sa famille. Le but de MST est qu’à terme les ménages puissent vivre entièrement de l’agriculture. 

« Notre modèle, c’est Normandia », déclare Manuel. Située à quelques dizaines de kilomètres de Recife, la communauté de Normandia, créée il y a vingt-sept ans, est l’une des plus abouties. Une quarantaine de familles y vivent de leur production.

Elles ont fondé une coopérative et fait construire un laboratoire de transformation et de conditionnement pour vendre leurs fruits et légumes aux cantines de crèches, écoles et collèges de Recife et sur les marchés . Comme 262 autres communautés du MST dans le Pernambouc, Normandia est officiellement reconnue par l’État. « C’est le préalable à tout développement », conclut Jaine Amori.

Auteur et crédits
Benjamin Sèze Crédits photos : © Xavier Schwebel / Secours Catholique